L'En Dehors quotidien anarchiste individualiste
![]() Crée le 18 mai 2002 Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org Comment publier un article sur le site ? Comment publier un commentaire à un article ? Charte du site D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Nos références ( archives par thèmes )
Soutien
Vous pouvez aider à régler les frais d'hébergement sur le serveur, en commandant nos brochures :
Les éditions de L'En Dehors
Rubriques
Actualité
Alimentation Culture Ecologie Economie Editorial F Haine Histoire de l'anarchisme International L'En Dehors d'Armand Le privé est politique Nouvelles du site Pour comprendre Projets alternatifs Social Technique Vidéos et audios colonies et communautés anarchistes
Liens
![]() Ephéméride anarchiste La presse anarchiste ![]() Cartoliste (cartes postales sur l'anarchisme) Autres liens
Session
Mot de passe oublié ?
Archives par rubriques
|
La fureur de vivre pauvre
--> RENCONTRE AVEC SERGE LATOUCHE, THÉORICIEN DE LA DÉCROISSANCE
Lu sur CQFD:"Été 2004. Une fête de la Conf’ dans le Gard. CQFD a monté son stand. À côté de notre clébard cramoisi qui grogne « Vivre sans compter, c’est pour quand ? », quelqu’un a posé un numéro de La Décroissance qui, sur fond vert prairie, clame « Vive la pauvreté ! » Contraste définitif ? CQFD est allé titiller Serge Latouche, chantre de la décroissance. Le débat est ouvert.
Et ailleurs qu’en Afrique ? Pensez-vous qu’il y a dans la société occidentale des défiances, ou une possible résistance vis-à-vis de la croissance ? Certains disent que la décroissance serait un retour en arrière, vers des localismes néo-féodaux, pré-capitalistes. Vous parlez de simplicité volontaire...
Mais en Afrique, la flambe, la dépense, le don, sont des moteurs
essentiels de la dynamique sociale. Certains « anti-croissance »
mettront ces attitudes-là sur le compte de l’influence occidentale...
Vont-ils inviter les Africains (ou les banlieusards d’ici) à « courir tout nus à travers champs avec un verre d’eau à la main » ? Cette nostalgie d’une vie frugale,
n’est-ce pas en partie une production mentale de classes moyennes en
proie à la mauvaise conscience ? Est-ce que la braderie des services
publics peut être vue comme une chance historique de récupérer
socialement les activités qui étaient exercées par l’État ? Vous dites que dans la perspective
d’une décroissance non imposée, le marché et le profit pourraient
persister comme incitateurs... On peut douter que le super-pouvoir des multinationales disparaisse petit à petit, faute de clients... Vous avez parlé de pédagogie des catastrophes... Et la lutte des classes ? Comment regardez-vous la délinquance ? Comme une économie informelle ou comme une concurrente de l’activité capitaliste ? Propos recueillis par Nicolas Arraitz et Gilles Lucas L’informel près de chez vousDans les années 60, beaucoup d’intellectuels se tournèrent vers le tiers-monde, alors en voie de décolonisation. « Le vent d’Est [était] plus fort que le vent d’Ouest », comme le rappelle Serge Latouche. Le remplacement des colonies par une myriade d’États nationaux, certains d’obédience stalinienne, a modernisé et maintenu la tutelle des anciens maîtres, et de quelques nouveaux non moins puissants. Aujourd’hui, ce n’est donc plus la révolution qu’on y admire, mais des modes de vie regardés comme autant de résistances aux pressions modernes de la désocialisation. L’herbe était - et reste - toujours plus verte ailleurs [1]. En effet, quel regard autre qu’ethnologique trouve-t-on à propos de l’économie informelle, en Europe et en France chez les analystes et critiques, même les plus avancés dans leur déplaisir vis-à-vis du fonctionnement du monde ? Parce que de l’informel, il y en a évidemment ici aussi. À ceci près que la doxa lui prête des tares qu’elle n’attribue pas aussi systématiquement ailleurs. L’économie informelle en Europe, quand elle ne concerne pas quelque expérimentation groupusculaire, est toujours affublée des qualificatifs « criminelle », « mafieuse », « noire », etc. Ces mêmes adjectifs qu’utilisent d’ailleurs les États du Sud, en accord avec le FMI, pour parler des modes « d’auto-organisation de la vie et de la survie » qui se sont développés chez eux. L’économie informelle est toujours illégale, en Afrique comme ailleurs, pour la simple raison que les États n’en perçoivent aucune fiscalité. Son fonctionnement se déroule de fait en dehors d’une société régulée par la gestion économique d’une fausse collectivité « nationale », du mouvement frénétique de marchandises éphémères, hors des fondamentaux juridiques et de la hiérarchie officielle des pouvoirs. En France, l’économie informelle se compose de multiples activités : mise en esclavage d’une population étrangère et illégale, travail au noir... Mais dans un grand nombre de cités de banlieue, cet informel est organisé autour d’une circulation intensive de marchandises « récupérées » ou « tombées du camion », et de petits trafics en tout genre [2]. Elle permet de « vivre et survivre ». Mais il est pourtant convenu de parler exclusivement de « criminalité » et de « délinquance ». La presse se régale à ne décrire des banlieues que « tournantes », « gangs », « règlements de comptes », « incendies de voitures », etc. Ces concentrations de population à bas revenus ou en
situation précaire dans des zones à l’écart, créent des liens, et aussi
des conflits, qui ne sont pas essentiellement différents de ceux qu’on
apprécie dans l’hémisphère sud. Et l’existence, vaille que vaille, de
tels liens est chose rare en Europe. C’est ce qui en fait une menace [3], mais aussi une force. Le film de Bertrand Tavernier, De l’autre côté du périph’,
en présente sans apologie ni romantisme une réalité humaine et
chaleureuse bien éloignée du silence consensuel ou des cris d’effroi
qui entourent ce que l’État appelle à juste raison des « zones de
non-droit ». Dénomination qui recouvre bien plus que les jets de
pierres que reçoivent parfois les patrouilles de police. Cet informel
labellisé « délinquance » n’inspire qu’un désir de l’éradiquer, ou au
mieux de la compassion et laisse de toute façon ces pratiques dans un
isolement contribuant à une hostilité réciproque. En 1995, Bourdieu
avait eu cette audace minimale d’apporter son soutien au mouvement des
grévistes, alors même que les intellos de télé, philosophes de la
connivence, carriéristes de la critique, s’acharnaient sur ces
« privilégiés corporatistes » pourtant engagés dans la plus grande
grève depuis 1968. Sur l’informel massif qui entoure les villes, le
silence des intellectuels-critiques et des porte-voix professionnels
reste assourdissant. ARTICLE PUBLIÉ DANS LE N°21 DE CQFD, MARS 2005. [1] Le soutien international au mouvement zapatiste, malgré la grande nouveauté de ses propos et de ses stratégies, n’aura pas dérogé à cet adage. [2] Un commissaire des quartiers Nord de Marseille a reconnu que le supermarché Carrefour situé au cœur de la zone était rentable en grande partie grâce à l’argent « informel » que génère notamment le trafic de haschich. [3] Les RG ont focalisé une bonne part de leurs services sur les banlieues, Sarkozy a créé les Groupes d’intervention régionaux pour mener la guerre à l’informel. Mis en ligne par libertad, le Mardi 12 Juillet 2005, 07:01 dans la rubrique "Pour comprendre".
Repondre à cet article
Commentaires :
|
à 10:09